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Sour Beer : Brasser sa première bière acide

Faire une bière acide et/ou sauvage est un art qui pousse les étapes du brassage encore plus loin et cela nous faisait de l’oeil depuis un moment.

Cet article est le premier de la série “Sour Beer” que nous démarrons sur ce blog. Nous parlerons aujourd’hui de la fabrication d’une bière acide et sauvage ensemencée avec un mélange de bactéries. L’article se veut simple et contient les informations qui nous ont permis récemment de nous initier à cette belle discipline.

La terminologie

La terminologie autour des bières acides et sauvages peut être sujette à débat. En effet, dans ce domaine, les possibilités sont multiples et un seul mot peut ne pas suffire à décrire entièrement un processus de fabrication. Voici les termes et leurs définitions que nous assumerons dans cette série d’articles.

Une bière acide, comme son nom l’indique, est une bière où l’acidité se fait nettement ressentir. Toutes les bières ont un pH inférieur au pH neutre (soit 7), elles sont donc techniquement toutes acides. Cependant, seules quelques unes ont un pH suffisamment bas pour percevoir réellement cette acidité. Pour descendre le pH de ces bières, plusieurs méthodes peuvent être utilisées. Dans la plupart des cas, ce sont les bactéries qui feront ce travail en produisant des composés acides, mais il est également possible de faire baisser le pH en ajoutant seulement des ingrédients naturellement acides.

Une bière dite “sauvage” est une bière où des micro-organismes autres que la levure Saccharomyces sont intervenus lors de la fermentation. Les Saccharomyces ne sont pas exclues de la fermentation de ces bières, mais elles ne seront pas toutes seules. Aujourd’hui, beaucoup de bières sauvages sont ensemencées de façon contrôlée, c’est-à-dire que l’addition de micro-organismes dans le moût se fera avec des cultures contenant seulement les souches désirées. Ces bières ne sont donc techniquement pas sauvages, mais ce terme fait référence aux levures et bactéries traditionnellement récupérées de façon naturelle.
La fermentation spontanée, quant à elle, est une fermentation où l’ensemencement s’est fait naturellement. Le moût est alors exposé à l’air ambiant pour récupérer des levures sauvages et des bactéries environnantes. L’ensemencement n’est alors plus maîtrisé, ce qui fait aussi le charme de ces bières.

Une bière dite “propre” est une bière exclusivement fermentée avec de la levure appartenant à la famille Saccharomyces. Nous préférons le terme “propre” à “classique” ou “traditionnelle” pour désigner ces bières, car historiquement les connaissances de l’homme en microbiologie sont assez récentes, et des bières comme la Lambic font partie des grands classiques et de la tradition !

L’état d’esprit

L’état d’esprit fait partie intégrante de cette magnifique discipline. D’ailleurs, on peut le retrouver dans les brasseries artisanales qui proposent ce genre de produit : un mélange entre fierté, noblesse et expérience gustative. Voici nos quelques conseils avant de se lancer :

  • Être patient et laisser le temps faire son travail. La patience est la première compétence (et pas des moindres) à acquérir. Inutile de toucher au fermenteur pour goûter ou faire des mesures, le mieux est de le laisser de côté, là où il sera le mieux. Une bière sauvage trop jeune ne sera vraiment pas bonne, mais en revanche elle sera excellente après une (très) longue période de vieillissement. De plus, la bière n’aime pas l’oxygène et cela pourrait être néfaste pour le résultat final.
  • Prendre des notes (remarques, observations, techniques utilisées, etc…). C’est d’autant plus important avec les bières sauvages, dû au temps de vieillissement. Six mois, un an, et même plus, nous avons le temps d’oublier les erreurs que nous avons potentiellement commises.
  • Connaître les bases du brassage. Il est fortement recommandé de commencer par réussir quelques bières propres avant de s’attaquer aux bières acides, bien que ce ne soit pas obligatoire. Plus nous comprenons ce que nous faisons, plus nous aurons de chances d’obtenir un excellent résultat.
  • Ne pas hésiter à diviser les brassins. Et ce pour deux raisons : la première est pour gagner du temps et la seconde est pour le plaisir d’expérimenter. Les bières acides se prêtent facilement aux expérimentations (fruits, épices, copeaux de bois, micro-organismes différents, etc…). C’est d’ailleurs ce que nous avons fait pour notre première expérience de bières acides avec 4 résultats différents à la clé !
  • Le faire avec amour et passion. C’est sûrement le meilleur état d’esprit pour obtenir d’excellents résultats.

Habituer son palais

La seconde chose à faire avant de se lancer dans le brassage de bières acides ou sauvages est d’explorer les résultats possibles, d’affiner son palais et de découvrir ses goûts. Cette phase est très importante, car c’est elle qui va orienter nos futurs brassins, mais aussi aiguiser notre esprit critique sur nos réalisations. Pour ce faire, il existe tout un tas de bières disponibles dans le commerce (Lambic, Gueuze, Berliner Weisse, Gose, Rouge des Flandres, 100% Brettanomyces, etc…), surtout qu’il est de plus en plus facile d’en trouver faites par des brasseries artisanales et indépendantes.

Les levures et bactéries

Les levures et bactéries sont nos courageuses travailleuses et ce sont elles qui vont transformer le moût en une bière délicieuse, alors autant te dire que mieux on les connaît, meilleure sera la bière. Voici un bref résumé du comportement des micro-organismes que l’on peut retrouver dans les bières acides.

  • Saccharomyces : Levure de bière utilisée pour toutes les bières propres. N’importe quelle souche peut être utilisée et cohabiter avec des Brettanomyces ou des bactéries. Sauf exceptions, pour la fabrication de bières sauvages des Saccharomyces sont ajoutées au moût pour assurer une bonne fermentation primaire. L’atténuation de la souche sélectionnée a son importance, car les sucres résiduels (non consommés par les Saccharomyces) seront consommés par les autres micro-organismes. Ainsi, une atténuation faible augmentera l’acidité et favorisera le développement des bactéries et levures sauvages, car elles auront plus à manger. Comme pour toutes les bières, le caractère de la souche (neutre, épicé, fruité, etc…) dépendra des envies du brasseur.
  • Brettanomyces : Levure, utilisée pour la production de bières sauvages. Souvent vue comme le diable par les brasseurs de bières propres, cette levure est fantastique une fois maîtrisée (et surtout désirée). Comme les Saccharomyces, il existe plusieurs souches différentes (bruxellensis, anomalus, etc…). Ces levures arrivent à transformer les dextrines qui sont non-fermentescibles par les Saccharomyces. Elles peuvent développer des composés aromatiques fruités, épicés, fumés et même certains plus spéciaux rappelant le cuir ou l’écurie. Contrairement aux bactéries, les Brettanomyces n’apportent que très peu d’acidité, voire pas du tout. En cas d’une forte présence d’oxygène, elles peuvent tout de même produire de l’acide acétique (acide présent dans le vinaigre).
  • Lactobacillus : Bactérie produisant de l’acide lactique. Elle est principalement utilisée pour la fabrication de bières de style Berliner Weisse et Gose. La Lactobacillus est sensible à la présence du houblon, les propriétés antiseptiques de ce dernier inhibent, empêchent son développement. Au-delà de 8-10 IBU elle sera inefficace. C’est pour cela que cette bactérie est souvent utilisée lors d’acidifications avant houblonnage. Par exemple pour du sour mashing (acidification de la maische) ou du sour kettling (acidification dans la cuve d’ébullition). Nous verrons plus en détails ces techniques avancées dans de futurs articles. La Lactobacillus se développe et travaille efficacement à des températures entre 38°C et 49°C.
  • Pediococcus : Bactérie de la même famille que la Lactobacillus, c’est la plus utilisée pour la production d’acide lactique. Le processus d’acidification sera plus long que celui de la Lactobacillus, cependant la Pediococcus résiste mieux à un environnement houblonnée et acide. Son travail peut prendre des mois avant que le pH de la bière descende suffisamment. C’est une des raisons pour laquelle les bières sauvages ont besoin d’un temps de vieillissement plus important. Certaines souches peuvent rendre la bière un peu visqueuse, mais cela disparait au bout de quelques semaines.

Équipement et hygiène

Rentrons maintenant un peu plus dans le vif du sujet avec le côté pratique et organisation. Faire une bière sauvage oblige à revoir légèrement l’organisation de la brasserie. Pas d’inquiétude, il n’est pas question de tout revoir, mais il y a certains points à prendre en considération. Ne pas contaminer et préserver les bières propres était notre principale inquiétude. En fait, il n’est pas nécessaire de prendre des mesures drastiques. Quelques astuces et un peu de bon sens suffisent.

Les matières plastiques sont difficilement nettoyables et désinfectables. D’où l’importance de les manipuler avec soin et de les maintenir en bon état. Des (micro) rayures peuvent apparaître et devenir une bonne cachette pour les levures sauvages et les bactéries. Pour cette raison, l’équipement plastique (canne de soutirage, fermenteur, cuve de sucrage, tige d’embouteillage, tuyaux de transfert, etc…) devra être dupliqué avec une série pour les bières propres et une pour les bières sauvages. L’idéal est de les marquer afin de les différencier, avec un marqueur, un bout de ruban adhésif de couleur ou encore une gommette.
En temps normal, l’équipement plastique doit être renouvelé de temps en temps (pour les raisons évoquées plus haut). Au lieu de le jeter, ils peuvent être utilisés pour des bières sauvages.
À propos de l’équipement qui n’est pas en plastique, comme le verre ou l’inox (ce qui peut être le cas des fermenteurs), ils sont plus facilement désinfectables, car les bactéries peuvent moins s’y accrocher. Ils peuvent donc être utilisés pour la fabrication de bières sauvages et propres. Toujours à condition, bien entendu, de respecter les règles d’hygiène de bases et qu’ils soient en bon état.

Il n’y a pas de risque particulier à entreposer des fermenteurs de bières sauvages à côté de fermenteurs de bières propres. Les fermenteurs sont étanches et lorsqu’ils sont fermés, il ne peut pas y avoir de propagation.

L’hygiène pour une bière sauvage est la même que pour une bière propre : nettoyage et désinfection de ce qui sera en contact avec le moût et la bière. Même si ce sont des levures et bactéries sauvages, il est préférable de respecter le petit écosystème, leur équilibre et avoir seulement les micro-organismes désirés (dans le cas d’un ensemencement avec une culture). Tout comme les bières propres, les bières sauvages doivent être traitées avec soin afin d’éviter les faux-goûts (limiter le contact avec l’air et avoir une bonne hygiène de travail).

Pour l’équipement particulier, il n’y en a pas vraiment d’obligations. Le pH mètre est un outil très pratique pour analyser l’avancement du travail des bactéries, mais il n’est pas indispensable et tu pourras obtenir une très bonne première bière acide sans. Une bière acide aura un pH final entre 3.0 et 3.9.
Les levures Saccharomyces sont sensibles au pH et il ne doit pas être trop bas pour qu’elles puissent travailler et achever correctement la fermentation primaire. Ainsi, le suivi du pH sera obligatoire dans le cas d’une acidification avant la fermentation primaire (sour mashing ou sour kettling) et optionnel dans le cas contraire.

La fermentation et la garde

Pellicule produite par les Brettanomyces pour se protéger de l’air.

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur la fermentation de bières sauvages. Comme nous l’avons vu plus haut, plusieurs micro-organismes peuvent intervenir et il est possible de procéder de différentes manières, dépendant de la recette qu’on souhaite réaliser. Par exemple, on pourrait n’ensemencer le moût qu’avec des Brettanomyces, acidifier le moût avant la fermentation primaire ou ajouter des bactéries lors de la fermentation secondaire. Bien que ce soient des sujets que nous verrons par la suite (ou des expérimentations que nous ferons), aujourd’hui nous n’allons pas nous étendre sur ces possibilités.
Pour une première bière acide et sauvage il est courant de procéder ainsi : ensemencer le moût avec une souche de levure Saccharomyces (de ton choix), plus un mélange de levures et de bactéries (un mélange pour lambic par exemple). La levure propre aura pour rôle d’achever correctement la fermentation primaire (la plus grande partie des sucres seront consommés) et le mélange se développera dans un second temps avec les sucres résiduels.

Une période de garde est obligatoire pour une bière sauvage, c’est lors de cette phase qu’elle développera tout son caractère et qu’elle s’affinera. Les bactéries prennent leur temps pour travailler et réabsorber les composés indésirables produits lors de la fermentation. C’est pour cette raison qu’une bière sauvage trop jeune ne sera vraiment pas bonne. Il faut compter entre 6 mois (si on est pressé) et 1 an avant de pouvoir la déguster. Et bien-sûr plus, pour un meilleur affinage ou une garde en fût.

Un transfert de cuve de fermentation est nécessaire pour la phase de garde (aussi appelée vieillissement). Comme celle-ci va durer longtemps, il est primordial de retirer la bière de la lie de levures sédimentées, à terme elles donneraient un faux-goût dû principalement à l’autolyse (autodestruction des cellules).

La mise en bouteille

Ça y est, la garde est terminée, il est l’heure de mettre en bouteille ! Avant de pouvoir déguster pleinement notre bière acide, il faudra encore attendre un peu que la refermentation en bouteille se fasse. Décidément, elle sait se faire désirer…
Avant de mettre en bouteille, il faut bien entendu que la bière ait terminé son affinage. La meilleure chose à faire pour déterminer cela est de goûter et de vérifier que le résultat nous plaise ou si elle mériterait d’attendre encore un peu.
Le niveau de carbonatation va dépendre du style, de la recette et surtout de tes goûts. Une bière acide peut être également plate. Si elle te convient comme cela, alors pas besoin de rajouter du sucre à l’embouteillage (et pas de refermentation).

Le processus de mise en bouteille se déroule comme avec une bière propre.

Il est courant d’ajouter un peu de levure fraîche pour accélérer la refermentation. Après de longs mois de garde, peu de levures sont encore actives et il est possible que les Brettanomyces soient en nombre. Ce n’est pas un problème en soi, seulement elles mettront plus de temps pour refermenter les nouveaux sucres. D’après le livre “American Sour Beers”, 2 g de levure sèche réhydratée pour 20 litres serait convenable. Une trop grande quantité de levure pourrait provoquer un important dépôt au fond de la bouteille.

La refermentation en bouteille peut prendre un peu plus de temps en comparaison à une bière propre. Des faux-goûts peuvent réapparaître, mais pas d’inquiétude, ils devraient disparaître avec le temps.

Notre expérimentation

Maintenant que nous avons vu ces quelques notions de base, place à la pratique ! Et pour ce faire nous avons brassé 20 litres de bière acide, une bière assez simple, que nous avons divisée en 4 dames-jeannes de 5 litres : une avec des copeaux de chêne, une avec des morceaux de mangue, une avec un dry hopping en fin de garde et une sans addition qui nous servira de référence.

Nous vous expliquons tout cela dans cet article :

Notre première expérience de bières acides

Sources :

Little Bock

Notre application web pour brasseurs amateurs

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